Bilans biologiques

Page mise à jour le 7 octobre 2024.

La réalisation d’un bilan biologique à la recherche de carences est une demande fréquente de la part des patients végéta*iens. Dans quel cadre est-il pertinent de proposer un bilan biologique ? Quel bilan est-il intéressant de proposer à ses patients ? Il n’existe aucune réponse consensuelle à ces questions et chaque médecin peut raisonnablement prescrire selon ses propres connaissances et son expérience. Nous détaillons dans cette page ce qui nous semble pertinent de proposer aux patients ayant végétalisé leur alimentation, dans l’optique de faciliter la prise de décision des prescripteurs.

Il n’existe pas de bilan biologique type pour rechercher des carences chez les patients végéta*iens. Il est même possible de ne rien prescrire si le patient est asymptomatique avec un régime varié, équilibré et correctement complémenté. Un bilan biologique est justifié en cas de doute sur l’équilibre alimentaire, en cas d’absence ou de complémentation incomplète en vitamine B12 ou en cas de symptômes potentiellement liés à une carence nutritionnelle.

Ce bilan peut comprendre :

  • vitamine B12 sérique +/- dosage sérique de l’acide méthylmalonique si vitamine B12 sérique en zone grise (150-300 pmol/L : taux de faux négatifs important)
  • NFS : recherche d’une anémie microcytaire (carence martiale) ou macrocytaire (carence en vitamine B12) ou normocytaire (carence mixte, avec augmentation de l’IDR)
  • ferritinémie + CRP
  • TSH +/- iodurie
  • chez les enfants : bilan phospho-calcique et zinc sérique (en cas de trouble du développement)

Cette proposition de bilan de ne se substitue pas à un bilan standard d’asthénie par exemple, mais peut le compléter en cas d’alimentation végétalisée potentiellement en cause.

Vitamine B12

La vitamine B12 est retrouvée quasi-exclusivement dans les produits d’origine animale, les personnes à risque de carence sont donc les personnes végétaliennes, végétariennes, ainsi que les personnes ayant fortement diminué leur consommation de viande et de poisson (flexitariennes). Il existe un stock hépatique de vitamine B12 qui est variable selon l’alimentation et qui peut suppléer jusqu’à 3 ans d’apports en cas de stock complet [1]ONAV, Position de l’ONAV relative à la couverture des besoins en vitamine B12 chez les personnes ayant une alimentation flexitarienne, végétarienne et végane, octobre 2020..

Les conséquences cliniques d’une carence profonde et prolongée en vitamine B12 sont la sclérose combinée de la moelle et l’anémie macrocytaire. Ces situations restent rares et on retrouvera plutôt des atteintes subcliniques et aspécifiques comme une asthénie inhabituelle, des paresthésies distales, des troubles digestifs ou des troubles du développement chez les enfants.

Indications d’un bilan biologique des personnes à risque de carence en vitamine B12 selon leur complémentation et leur symptomatologie :

Asymptomatique Symptomatique
Complémentée
– Pas d’indication à un bilan biologique
– Pas d’indication à une cure d’attaque
– Complémentation à poursuivre
– Indication à un bilan biologique
– Cure d’attaque selon le bilan
– Complémentation à revoir ou diagnostic différentiel à envisager si carence avérée
Non complémentée
– Potentielle indication à un bilan biologique
– Cure d’attaque selon le bilan ou si absence de complémentation > 3 ans
– Complémentation à débuter
– Indication à un bilan biologique et/ou une cure d’attaque d’emblée
– Complémentation à débuter après la cure d’attaque

Il existe plusieurs marqueurs du statut en vitamine B12. Tous ont leurs avantages et leurs inconvénients que nous détaillons ci-dessous [2]Revue Médicale Suisse, Vitamine B12 en pratique : quand tester ? Comment tester ? Et qui substituer ?, mars 2021 [3]Revue Médicale Suise, Marqueurs biologiques des statuts vitaminiques B12 et D : aspects analytiques d’importance clinique, octobre 2012 [4]Green R et al., Vitamin B12 deficiency – Nature Reviews Disease Primers, juin 2017[5]Mariotti F, Vegetarian and Plant-Based Diets in Health and Disease Prevention, 2017 [6]Kalay Z et al., Reliable and powerful laboratory markers of cobalamin deficiency in the newborn: plasma and urinary methylmalonic acid, J Matern Fetal Neonatal Med, décembre 2014.

Dosage sérique de la vitamine B12

  • Test le plus couramment utilisé en pratique, en raison de son coût moindre et de son remboursement par la sécurité sociale
  • Une valeur sous les normes signe une carence avec très peu de faux positifs (95 % de spécificité avec le seuil de 150 pmol/L, seuil couramment utilisé par les laboratoires)
  • Écarte très probablement une carence en cas de valeur élevée (>300 pmol/L)
  • Notion de zone grise entre 150 et 300 pmol/L avec fort risque de faux négatifs [7]Mariotti F, Vegetarian and Plant-Based Diets in Health and Disease Prevention, 2017
  • Augmenté en cas de : insuffisance rénale sévère / hépatopathie / tumeur occulte / anticorps anti-facteur intrinsèque (maladie de Biermer)
  • Diminuée en cas de : carence en vitamine B9 / grossesse / contraception orale

Dosage sérique de l’Holotranscobalamine (HoloTc)

  • L’HoloTc est la forme circulante active de la vitamine B12
  • Elle représente environ 20 % de la vitamine B12 circulante totale, les 80 % restant étant l’holohaptocorrine, forme inactive de stockage
  • Performance très légèrement supérieure mais coût environ deux fois plus élevé et non remboursé
  • Augmentée en cas d’insuffisance rénale sévère

Dosage sérique de l’acide méthylmalonique (AMM)

  • Précurseur des réactions enzymatiques de la vitamine B12, il s’accumule et est augmenté en cas de carence en vitamine B12
  • Considéré comme le test Gold-Standard pour le dépistage d’une carence
  • Augmenté en cas de : insuffisance rénale / hépatopathie
  • Pas d’augmentation en cas de carence en vitamine B9
  • Le dosage urinaire de l’AMM est possible avec un coût équivalent (32 euros) et une fiabilité équivalente [8]Kalay Z et al., Reliable and powerful laboratory markers of cobalamin deficiency in the newborn: plasma and urinary methylmalonic acid, J Matern Fetal Neonatal Med, décembre 2014

Dosage sérique de l’homocystéine

  • Précurseur des réactions enzymatiques de la vitamine B12, il s’accumule et est augmenté en cas de carence en vitamine B12
  • Non spécifique d’une carence en B12, il est également augmenté en cas de carence en vitamine B9, tabagisme actif et consommation d’alcool
  • Augmenté en cas d’insuffisance rénale
Nous proposons de rechercher une carence en vitamine B12 par dosage sérique de la vitamine B12 en première intention. En cas de valeur en “zone grise” (entre 150 et 300 pmol/L), il est conseillé de rechercher une carence par dosage sérique de l’AMM.

Iode

L’évaluation des apports en iode se fait selon la consommation de produits de la mer (algues incluses), de produits laitiers et, dans une moindre mesure, de sel iodé. Les cas de carence en iode chez les personnes végéta*ienne dans la littérature sont très rares. Une carence en iode provoquant une hypothyroïdie, il est possible de doser la TSH en cas de doute sur des apports suffisants ou en cas de signes cliniques évocateurs. La iodurie permet d’évaluer plus précisément les apports en iode, et peut être intéressante en cas d’hypothyroïdie fruste par exemple (à réaliser à distance d’une consommation d’algues).

Vitamine D

Les recommandations de dosage de la 25-OH-vitamine D chez les personnes végéta*iennes sont les mêmes que pour la population générale.

Fer

Il n’existe pas plus d’anémies par carence martiale chez les personnes végéta*iennes que dans la population générale. Il n’y a donc pas d’intérêt à doser systématiquement la ferritinémie chez les personnes végéta*iennes. En cas de doute sur un régime varié et équilibré, ou en cas de symptomatologie évocatrice, il est bien sûr possible de doser la ferritinémie et la NFS avec la CRP.

Calcium

Les apports calciques varient énormément et peuvent parfois être insuffisants, notamment chez les patients végétaliens. Il est important de s’assurer que l’alimentation est variée, avec une consommation fréquente de légumineuses (soja, lentilles, haricots, pois chiches, etc.), fruits à coque, graines, ainsi que de fruits et légumes. Des évaluations d’apports en ligne existent, comme celle du GRIO, mais ne sont pas très adaptées pour ces populations car très basées sur les produits laitiers.

Il est difficile de retrouver une carence d’apport avec un bilan phospho-calcique standard (calcium, phosphore, albuminémie, 25-OH vitamine D, PTH) : une calcémie et une vitamine D normales avec une augmentation de la PTH peut signer un déficit d’apport en calcium). Certaines études évaluent le statut calcique en réalisant une ostéodensitométrie, mais le résultat n’est pas corrélé aux apports calciques (mais plutôt aux apports en protéines et en vitamine B12) [9]Agnoli C et al., Position paper on vegetarian diets from the working group of the Italian Society of Human Nutrition, octobre 2017 .

Il est possible de proposer aux enfants avec un retard staturo-pondéral un bilan phospho-calcique en plus du bilan standard.

Oméga 3

Les oméga 3 à longue chaîne (EPA, DHA) étant principalement retrouvés dans les produits d’origine animale, les personnes végéta*iennes vont trouver leurs apports grâce aux oméga 3 à courte chaîne (ALA) contenus dans certains aliments végétaux (huile de colza, huile de lin, huile de noix, etc.), qui seront ensuite convertis dans l’organisme en EPA et DHA.

Bien qu’aucun effet délétère sur la santé de faibles taux plasmatiques d’EPA ou de DHA n’ait été mis en évidence, on conseille d’optimiser les apports en oméga 3 chez les végéta*iens.

Il paraît en revanche peu pertinent de doser le taux plasmatique d’EPA et DHA (examen coûteux et non remboursé, à l’intérêt clinique non démontré).

Zinc

Une alimentation végéta*ienne bien conduite n’entraîne pas de carence en zinc. Chez les enfants dont le régime semble déséquilibré, ou en cas de signes cliniques de potentielle carence (trouble du développement, perte de goût), un dosage sérique du zinc est conseillé.

Protéines

Une alimentation végéta*ienne bien conduite n’entraîne pas de carence en protéines, que ce soit sur le plan quantitatif ou qualitatif. En cas de signes cliniques évocateurs d’une dénutrition, il est possible de doser l’albuminémie, ou la pré-albuminémie si la dénutrition paraît récente.